Outlook 2024 : Est-ce le retour à la normale pour les parcs de véhicules?

Date : 4 mars 2024

Par : Chris Brown

Publication : Automotive Fleet

« Vous souvenez-vous de comment étaient les choses juste avant la grande récession? L’ambiance qui régnait dans les affaires en était une d’abondance, de contentement et d’insouciance. Et pour revenir à aujourd’hui, après quatre ans de perturbations épiques, voilà que nous semblons enfin entrer dans une ère relativement calme. Mais est-ce vraiment le cas?

Il se pourrait fort bien que nous ne retrouvions jamais cette ambiance d’abondance et de contentement. Nous avons appris notre leçon. Les événements de type cygne noir sont presque attendus de nos jours.

Pourtant, cette année commence à ressembler à la période d’avant la pandémie, en termes de retour aux tendances saisonnières et de capacité à prévoir l’avenir à court terme. Quant à ce à quoi ressemble l’avenir du côté des parcs de véhicules, le portrait varie considérablement selon les segments.

Examinons cela de plus près :

Perspective économique

Il y avait des années maintenant que l’économie en général n’avait pas semblé stable comme c’est le cas aujourd’hui. Stable ne signifie pas « excellente », mais c’est un pas dans la bonne direction.

Selon les prévisions, la croissance du PIB va être faible, mais il est peu probable que les choses se détériorent jusqu’à nous ramener vers une nouvelle récession. Les taux d’intérêt vont avoir un léger effet positif sur l’inflation, mais celle-ci va rester.

La combinaison entre un taux d’inflation élevé et un marché du travail faible va ralentir les ventes de véhicules au détail et mener à des stocks plus élevés. Les parcs de véhicules vont probablement venir améliorer un peu cet état de choses, mais à un rythme plus lent qu’en 2023.

Le fait est que les coûts plus élevés affectent également les parcs de véhicules : les grands parcs de véhicules ont une meilleure capacité à absorber les augmentations de prix, mais les petits parcs de véhicules pourraient devoir reporter leurs acquisitions jusqu’à ce que la pression inflationniste diminue.

« Par chance, tous les principaux fabricants d’équipement d’origine se sont engagés à accroître la part de véhicules attribués pour les exploitants de parcs en 2024, donc nous nous attendons certainement à une augmentation des ventes au niveau des parcs », a déclaré Ed Powell, directeur des services-conseils chez Holman.

« À l’heure actuelle, la demande continue de dépasser l’offre, même si certaines entreprises doivent réduire leurs effectifs en raison de l’incertitude économique qui persiste. »

Les tendances en matière d’offre et de demande varient aussi selon les segments. Si dans le secteur des véhicules au détail l’offre augmente à mesure que la demande décroît, il en va différemment pour les véhicules commerciaux.

« Au moment d’entamer 2024, il restait certains problèmes au niveau de la chaîne d’approvisionnement, et il en demeure encore, mais dans l’ensemble nous allons continuer de voir les choses s’améliorer. La croissance de la demande pour les véhicules des classes 2 à 7 a diminué au quatrième trimestre de 2023, et cette tendance devrait se poursuivre durant le premier semestre de 2024 », a déclaré Stephen Latin-Kasper, directeur principal de la recherche et des données de marché de la NTEA-The Work Truck Association.

« La croissance de la demande au niveau des parcs de véhicules va probablement continuer de ralentir au cours du premier semestre de 2024, avant de se stabiliser et de se rétablir au cours du deuxième semestre, en parallèle avec l’économie américaine », dit-il.

Tendances par segment

Ces tendances macroéconomiques affectent les segments de différentes façons.

Fourgonnettes utilitaires : Les fourgonnettes utilitaires sont toujours en grande demande, et les stocks peinent à suffire. Cette tendance va se poursuivre.

L’usine Ram ProMaster a subi un réoutillage en février et en mars, ce qui est venu diminuer encore davantage l’offre, a déclaré Chip Cooper, propriétaire de la Cooper Motor Company, un concessionnaire spécialisé dans les parcs de véhicules en Caroline du Sud.

Ford a instauré un troisième quart dans son installation de Kansas City en 2023 pour augmenter la production du Transit.

Fourgonnettes Step-Van : « Il y a encore trop de fourgonnettes Step-Van dans les stocks des concessionnaires », affirme Dan McDonough, directeur des opérations chez Auto Park Fleet. « C’est un problème majeur qui va prendre au minimum des mois à régler. Il y aussi un grand nombre de camions tronqués, qui se vendent encore moins parce que les fourgonnettes Step-Van sont en fait moins chères pour le moment. »

Fourgonnettes compactes : Avec l’abandon du NV200 de Nissan, du ProMaster City de Ram, du Transit Connect de Ford et du Metris de Mercedes-Benz aux États-Unis, l’offre de nouveaux modèles de fourgonnettes compactes à moteur à combustion interne s’est tarie.

Camionnettes : Bien que l’offre de camions de poids léger continue d’augmenter, les options restent limitées en ce qui concerne les spécifications au niveau des moteurs et de certaines caractéristiques intérieures, dit Chip Cooper. Comme le marché de détail des camions 3/4 tonne ralentit, ces unités deviennent plus disponibles pour les parcs de véhicules.

Poids moyens : Du côté des camions de poids moyen, châssis-cabine 3500, 4500 et 5500, les choses sont encore très difficiles. « Bien que nous soyons en mesure de diminuer le nombre de certaines unités en stock, le problème est que les commandes plus importantes de la part des parcs ne sont tout simplement pas au rendez-vous », ajoute-t-il.

Classes 6 à 8 : La demande pour ceux-ci étant toujours supérieure à l’offre, les camions et les tracteurs lourds des classes 6 à 8 sont encore plus difficiles à obtenir que les fourgonnettes, selon Steven Jastrow, vice-président des services-conseils et des analyses chez Element Fleet Management.

S&P Mobility prévoit une baisse des enregistrements pour les classes 6 à 8 en 2024 et en 2025, là où tous les autres segments commerciaux verront une croissance.

Hybrides : Les voitures de tourisme hybrides sont en bonne disponibilité, mais la demande va en augmentant. « L’acceptation des hybrides complets par les parcs de véhicules a connu une croissance considérable entre les années-modèles 2023 et 2024, et un intérêt se développe aussi pour les hybrides rechargeables, qui en sont quant à eux à l’étape de l’évaluation », explique-t-il.

De nouveaux modèles hybrides font leur arrivée pour répondre à cette demande.

Augmentation des incitatifs

Les stocks élevés de véhicules de tourisme et de camionnettes dans le secteur du détail donnent lieu à des incitatifs et des rabais plus élevés. En novembre 2023, les incitatifs pour les véhicules neufs ont dépassé les 5 % du prix de vente moyen pour la première fois depuis septembre 2021, selon KBB, ce qui indique une transition vers un marché acheteur.

Les parcs profitent de cette tendance, et tout particulièrement en ce qui concerne les engagements de commandes importantes, dit Jason Kraus, directeur de la structure d’acquisition et de location de véhicules chez Mike Albert Fleet Solutions.

Les incitatifs en ce qui concerne les voitures de tourisme pourraient augmenter pour l’année-modèle 2025, mais quant aux incitatifs pour les fourgonnettes, les camions lourds et les gros VUS, ceux-ci ne devraient pas augmenter considérablement.

« Les incitatifs sont en hausse, mais ils sont loin de ce qu’ils étaient avant la pandémie, et certainement encore largement insuffisants pour compenser l’impact dû à l’augmentation importante du prix des véhicules », dit Justin Lisonbee, vice-président adjoint des opérations de parc pour Enterprise Fleet Management.

Normalisation des valeurs résiduelles

Le quatrième trimestre de 2022 et le premier trimestre de 2023 étaient des anomalies historiques, car les problèmes de chaîne d’approvisionnement et les pénuries de semi-conducteurs observés durant cette période sont venus considérablement gonfler les valeurs à la fois des véhicules neufs et d’occasion. Il se pourrait fort bien que nous ne revoyions plus jamais une telle revalorisation.

Cela dit, les changements récents observés au niveau des valeurs résiduelles pourraient être mieux décrits comme une tendance à la normalisation, plutôt qu’une détérioration. « Bien que les valeurs aient diminué, elles l’ont fait à un rythme constant et sont toujours bien au-dessus de ce qu’étaient leurs valeurs indexées avant la pandémie de Covid-19 », dit Timothy Lundahl, directeur des services-conseils aux parcs chez Merchants Fleet.

Pourtant, la valeur résiduelle des fourgonnettes et des camions de poids moyen va rester soutenue. « Ces véhicules sont des équipements qui rapportent de l’argent pour les entreprises qui les louent ou les achètent, et ils sont un atout précieux pour elles », explique Chip Cooper.

Commandes permanentes vs système d’attribution

Avec une augmentation continue de l’offre, les constructeurs automobiles délaisseront sans doute le système d’attribution pour revenir à la méthode traditionnelle de « commande permanente ». Toutefois, les catégories de véhicules pour lesquels l’offre demeure tendue (fourgonnettes, camions lourds et gros VUS) pourraient être limitées. « Il continuera probablement de s’observer au moins une attribution contrôlée pour les années-modèles 2025 », dit Justin Lisonbee.

Celui-ci croit également que les fabricants définiront sans doute aussi des paramètres de commande pour les hybrides, compte tenu de la demande accrue pour ces véhicules.

« La méthodologie d’attribution utilisée par les fabricants d’équipement d’origine au cours des dernières années va probablement continuer d’être utilisée pour les véhicules lourds », dit Timothy Lundahl. « Il semble que les fabricants d’équipement d’origine soient moins disposés à offrir des commandes permanentes en ce qui concerne les véhicules de type commercial pour lesquels il n’existe pas de canal de vente au détail robuste ».

Améliorer les chaînes d’approvisionnement

Au cours des dernières années, l’industrie a connu des pénuries de pièces, une baisse du nombre de techniciens d’entretien, des cycles de vie de véhicules plus longs, et des temps d’arrêt de véhicules prolongés. S’il y a eu une amélioration dans tous ces domaines, celle-ci a été inégale et pour le moins progressive.

Des défis persistent, dont des problèmes avec les fournisseurs en ce qui concerne les caméras de recul et les châssis, explique Justin Lisonbee.

Cycle de vie des véhicules : Par nécessité, les parcs de véhicules ont dû conserver leurs véhicules plus longtemps que ce qu’était historiquement la norme. Bien qu’il s’observe une amélioration au niveau de la durée des cycles de vie des véhicules, encore une fois, cela varie selon l’offre propre à chaque segment.

Jason Kraus explique que les choses se sont beaucoup améliorées du côté des voitures et des VUS, et que l’on observe aussi une amélioration quant aux camionnettes, mais que pour les fourgonnettes commerciales et les camions lourds, les durées des cycles de vie continuent d’être étendues au-delà de la norme.

De plus, ces améliorations pourraient ne pas être ressenties immédiatement.

« Il faudra probablement plusieurs cycles de commandes pour que les cycles de vie des véhicules, quant à eux, se normalisent, parce qu’ils ont probablement été gravement perturbés par plusieurs années d’offre limitée de véhicules neufs », explique Patrick Doyle, directeur des solutions de chaîne d’approvisionnement chez Holman.

Techniciens : Observée avant même la pandémie, la pénurie de techniciens que connaît l’industrie automobile semble vouloir donner espoir de s’améliorer. Selon le rapport annuel de décembre 2023 de la TechForce Foundation, le nombre de diplômés postsecondaires dans le secteur automobile a augmenté pour la première fois en dix ans.

Ce rapport montre également que de 2021 à 2022, le nombre de techniciens a augmenté de 4,3 %, dans un élan de croissance supérieure au reste de la main-d’œuvre américaine, qui était de 4 %. Néanmoins, le rapport indique que l’industrie a encore besoin d’environ 80 000 nouveaux techniciens pour répondre à la demande au cours des cinq prochaines années.

Cycles commandes-livraisons : La durée moyenne des cycles commandes-livraisons pour les véhicules neufs était d’environ 24 semaines en 2023, dit Jason Kraus. Selon lui, cette moyenne devrait baisser significativement, jusqu’à atteindre environ 18 semaines en 2024.

La durée des cycles commandes-livraisons reste toujours exacerbée par le manque de disponibilité des wagons, la surcharge de travail des transporteurs de véhicules, et les pénuries de main-d’œuvre généralisées.

Tout comme pour tout le reste, la durée des cycles commandes-livraisons variera selon les segments, car celle pour les véhicules de tourisme va diminuer considérablement lorsque la capacité de production reviendra à de meilleurs niveaux, tandis que celle pour les fourgonnettes commerciales va rester plus élevée.

Temps d’arrêt : Steven Jastrow a signalé une légère amélioration de 5 % au niveau des temps d’arrêt des véhicules en 2023, et une réduction d’environ 15 % par rapport au pic observé en 2022.

Ce problème ne se résoudra pas nécessairement à mesure que les choses s’amélioreront au niveau des chaînes d’approvisionnement par contre, car plus les véhicules deviendront technologiquement avancés, plus les temps de réparation nécessaires pour les remettre dans des conditions préalables aux accidents s’en trouveront augmentés.

Approvisionnement en pièces : Les stocks de pièces de rechange des concessionnaires sont maintenant moins élevés, ce qui entraîne une plus grande dépendance envers la disponibilité des pièces d’origine, dit Justin Lisonbee.

« Nous avons encore un problème, et les choses sont encore loin d’être optimales », ajoute Steven Jastrow.

Soyez créatif, tout en restant flexible

Les parcs de véhicules disposent de quelques options traditionnelles et novatrices pour gérer les fluctuations de l’offre et l’évolution des conditions du marché. Ce ne sont peut-être pas toujours les solutions rêvées, mais avec un peu de créativité et de flexibilité, il est raisonnablement possible de s’en approcher.

Pour se couvrir contre les problèmes d’approvisionnement, Steven Jastrow a constaté que de plus en plus de parcs de véhicules passent d’un approvisionnement unique à un recours à plus d’un fabricant d’équipement d’origine, impliquant une source principale et une source secondaire.

Le manque de fourgonnettes utilitaires pleine grandeur fait que plusieurs parcs se mettent à chercher du côté des unités en stock chez les concessionnaires, bien qu’il leur arrive de ne pas y trouver exactement le PNBV, l’empattement, la hauteur de toit, les options et les versions désirés.

Pour pallier cela, les parcs de véhicules se tournent de plus en plus vers des modèles de fourgonnettes récents, légèrement usagés, explique Timothy Lundahl.

Compte tenu de l’absence de fourgonnettes compactes, chercher les spécifications désirées du côté des fourgonnettes pleine grandeur est une option valable, mais qui force les parcs à peser le pour et le contre de ces dépenses initiales plus élevées et de ces coûts de carburant plus importants. Sans compter que l’offre du côté des fourgonnettes pleine grandeur est elle aussi limitée.

Une foule de nouveaux modèles de fourgonnettes utilitaires électriques pleine grandeur font leur arrivée sur le marché en 2024, mais les parcs ne devraient pas les voir comme des options de remplacement véhicule pour véhicule, car ils impliquent des coûts initiaux plus élevés et des efforts méthodiques pour construire les infrastructures de charge.

En ce qui concerne les coûts de financement élevés, les parcs pourraient tirer profit de la tendance à la baisse prévue au niveau des taux d’intérêt. « Les parcs devraient envisager les baux à taux variable, qui permettent aux taux de descendre dans le cours de la durée d’un nouveau bail, par rapport aux taux fixes qui restent quant à eux bloqués aux taux plus élevés d’aujourd’hui », suggère Timothy Lundahl.

Avec le ralentissement de la demande dans le secteur du détail, des options de véhicules de tourisme plus créatives s’offrent aux parcs.

Comme les camionnettes d’une demi-tonne sont en plus grand nombre que les fourgonnettes, il est possible d’utiliser les options traditionnelles de haut de caisse pour offrir un espace de chargement couvert qui conviendra aux applications de livraison non urbaines. Une nouvelle option dans ce sens est la camionnette compacte Maverick de Ford, qui possède des options d’aménagement, de capot de caisse amovible, ou de couvre-caisse.

Pour la bonne application, les entreprises de gestion de parc, les concessionnaires et les aménageurs travaillent en collaboration pour transformer des voitures de tourisme, des VUS et des minifourgonnettes en véhicules de travail.

Cooper Motors est en mesure de transformer la minifourgonnette Voyager de Chrysler en fourgonnette utilitaire dotée d’un revêtement de plancher dur, avec une cloison, des couvre-glace, des vitres teintées et plus, si désiré. « Elle a réussi à combler un énorme vide », dit Chip Cooper.

 

SOURCE: https://www.automotive-fleet.com/10216584/outlook-2024-is-fleet-back-to-normal